NYMPHE

2025





"Il faut alors susciter une race de larme qui ne racole pas.
Larme qui ne vient pas de là, l’émotion, et ne la provoque pas.
Larme issue d’un choc brutal.
La situation du monde est telle que des larmes coulent.
Invisibles et muettes.
Arrêtez d’accoler aux larmes le symbole de la faiblesse, que vous associez au féminin.
Dans toute la mythologie, il y a passage entre sperme, larme, sang.
Larme, douleur en fusion.
Métal fondu.
Redonner aux larmes la cohérence du métal. Sa dureté.
Chaque chose traversée par son contraire : faire couleur des larmes qui seraient elles-mêmes au-delà des larmes. Densité du métal."

                                                     
                     Claude Régy

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Nymphe, nouveau solo de la chorégraphe Taos Bertrand, investigue la figure de la nymphe.

Dans les Métamorphoses d’Ovide, la nymphe Echo « se cache dans les bois et voile son visage sous d’épais feuillages ». Ce nouveau travail chorégraphique se centre autour du phénomène du visage. Cette pièce cherche à produire une expérience théâtrale où le présent de la performance et les artefacts techniques interrogent la résonance poétique et sociale du visage humain par l'outil digital. Elle questionne les possibles d'une expérience trans en interrogeant le statut de la matérialité du corps féminin.

Cette pièce premièrera à Marseille au printemps 2025 à KLAP Maison pour la danse dirigée par David Dibilio, programmateur du premier solo de Taos Bertrand en 2015, Orages, portant sur sa naissance sous X et son algérianité.
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Nymph, a new solo by choreographer Taos Bertrand, investigates the figure of the nymph.

In Ovid’s Metamorphoses, the nymph Echo «hides in the woods and veils her face under thick foliage». This new choreographic work focuses on the phenomenon of the face. The piece seeks to produce a theatrical experience where the present of performance and technical artifacts interrogate the poetic and social resonance of the human face through the digital tool. It questions the possibilities of a trans experience by interrogating the status of the materiality of the female body.

This piece will premiere in Marseille in spring 2025 at KLAP Maison pour la danse, directed by David Dibilio, programmer of Taos Bertrand’s first solo in 2015, Orages, about her anonymous birth and her Algerian identity.

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Conception, chorégraphie et interprétation : Taos Bertrand 
Scénographie : Anousha Mohtashami
Création sonore : Thélia Merchadou-Pineau
Création digitale : Pierre Guais

Complice en studio : Laurent Chetouane
Production : RADAR
Production déléguée : Latitudes Prod. - Lille
Coproduction : Le KLAP Maison pour la danse, Marseille, Carreau du Temple, Etablissement culturel et sportif de la Ville de Paris, DRAC-Nouvelle Aquitaine au titre de l’aide au projet 
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PERSONAL EXPERIENCE MEETS SOCIAL RESONANCES

Cette pièce fait le pont entre des considérations théoriques sur la génération du visage par la technologie et l’expérience personnelle de la transformation de mon visage. Cette question posée aux mutations digitales du visage renvoie à un processus intime dont je fais l’expérience, à savoir celle de ma propre transition de genre, à la métamorphose de mon visage, d’une mutation où hormones, narrations et cellules concourent à une mue alchimique, la nymphe est aussi le stade intermédiaire de la métamorphose, entre la larveet l’imago, c’est un stade de la mue.
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This piece bridges theoretical considerations on the generation of the face by technology and the personal experience of the transformation of my face. This question posed to the digital mutations of the face refers to an intimate process that I am experiencing, namely that of my own gender transition, to the metamorphosis of my face, of a mutation where hormones, narratives and cells contribute to a alchemical moult, the nymph is also the intermediate stage of metamorphosis, between the larva and the imago, it is a stage of moult.

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RESEARCH 

Performer « Nymphe », c’est aussi « redonner » forme au visage, à sa mémoire, à sa grâce, à rebours de l’effacement auquel sont sujettes certaines expériences trans : je n’oublie pas que les corps trans sont encore qualifiés par certaines juridictions américaines comme « obscene matters ».

Mon choix d’écriture pour « Nymphe » n’explore pas le visage par une esthétique burlesque ou grotesque mais par une gestuelle du passage, de la fluidité qui sans cesse échappe aux formes fixes. Dans ma gestuelle, j’articule souvent l’inclinaison du visage avec le mouvement des doigts, des mains et des poignets, ce qui produit un highlight sur le visage, une gestuelle ornementale à la grâce digitale produite par les angles du visage et les affects qui le traversent : chez les artistes de la scène vogue, «the face is everything», everything car cette zone anatomique qu’est le visage est souvent reliée à l’histoire de la honte que porte la communauté noire et trans américaine.

Avec « Nymphe », je souhaite redonner à nos expériences la possibilité de la grâce, aura associée à la sainteté chrétienne, une aura qui balaye le voile de la honte attaché à certains visages. L’âge baroque est l’un de nos terrains d’exploration, cette grâce je la veux digitale, machinique. Cette image d’un geste mettant en jeu mes mains en relation avec mon visage est ce qui me permet de rencontrer les spectateurs.rices, de jouer des effets de distance et de proximité, d’hyper-affects, de poses, d’abstractions, des rythmesscandés des danses.

Dramaturgiquement, quatre corps-nymphes traversent la pièce : une nymphe baroque, une nymphe sculpturale, une nymphe hystérique (donc résistante chez Deleuze), une nymphe euphorique en latex.
Quatres peaux, du costume baroque à la robe en latex, mon corps comme fleuve.
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Performing «Nymph» also means «giving back» form to the face, its memory, its grace, in contrast to the erasure to which certain trans experiences are subject:
I’m not forgetting that trans bodies are still classified by some American jurisdictions as «obscene matters».

My choice of writing for «Nymph» does not explore the face through burlesque or grotesque aesthetics, but through a gesture of passage and fluidity that constantly eludes fixed forms. In my gestures, I often articulate the inclination of the face with the movement of the fingers, hands and wrists, which produces a highlight on the face, an ornamental gesture with a digital grace produced by the angles of the face and the affects that run through it: among artists on the vogue scene, «the face is everything», everything because this anatomical zone that is the face is often linked to the history of shame borne by the black and trans American community.

With «Nymph», I want to give back to our experiences the possibility of grace, the aura associated with Christian sanctity, an aura that sweeps away the veil of shame attached to certain faces. The Baroque age is one of our areas of exploration, and I want this grace to be digital, machine-like. This image of a gesture involving my hands in relation to my face is what allows me to meet the spectators, to play with the effects of distance and proximity, hyper-affects, poses, abstractions and the chanted rhythms of dances.

Dramaturgically, four nymph-bodies run through the piece: a baroque nymph, a sculptural nymph, a hysterical nymph (thus resistant in Deleuze’s terms), a euphoric nymph in latex.
Four skins, from baroque costume to latex dress, my body as a river.

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More to come <3