NYMPHE

2025





"Il faut alors susciter une race de larme qui ne racole pas.
Larme qui ne vient pas de là, l’émotion, et ne la provoque pas.
Larme issue d’un choc brutal.
La situation du monde est telle que des larmes coulent.
Invisibles et muettes.
Arrêtez d’accoler aux larmes le symbole de la faiblesse, que vous associez au féminin.
Dans toute la mythologie, il y a passage entre sperme, larme, sang.
Larme, douleur en fusion.
Métal fondu.
Redonner aux larmes la cohérence du métal. Sa dureté.
Chaque chose traversée par son contraire : faire couleur des larmes qui seraient elles-mêmes au-delà des larmes. Densité du métal."

                                                     
                     Claude Régy

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En investiguant la figure de la nymphe, personnage mythologique mineur, zone de l’anatomie sexuelle dite féminine et métaphore de l’affect, Taos Bertrand propose une certaine traduction de l’expérience trans féminine.

Il est dit de la nymphe Echo, double mythologique de Narcisse, "qu'elle est le son qui vit en elle" et que face au désaveu, seuls demeurent sa voix et ses os résonant dans les grottes. Face à ce constat d'oubli, la chorégraphe souhaite réhabiliter la figure mythologique et lui redonner corps. Elle propose une étude chorégraphique de la coupure où le corps se fait chambre d’écho des images sonores et les mains deviennent les outils graphiques et symboliques pour reformer un corps, un visage, une image de soi. Quelle recollection est possible par les pouvoirs et tactiques du sonore et de l'invisibilité, de l'ambient et de l'audible, face au contrôle opéré par la visibilité ?

Dans ce nouveau solo chorégraphique composé à partir de l’écho, de la coupure et de la grâce, il s’agit d’expérimenter la nature comme une résistance au travail, pour reprendre les termes de la philosophe américaine Mc Kenzie Wark : « Nature is a resistance in labor ». Par le récit d’une naissance, la nymphe apparait alors sirupeuse comme le miel, assez tendre pour employer la grâce comme remède au ressentiment.


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By investigating the figure of the nymph, a minor mythological character, a zone of so-called feminine sexual anatomy and a metaphor for affect, Taos Bertrand proposes a certain translation of the trans-feminine experience.

It is said of the nymph Echo, mythological double of Narcissus, that “she is the sound that lives in her”, and that in the face of disavowal, the only things that remain are her voice and her bones echoing in the caves. Faced with this observation of oblivion, the choreographer wishes to rehabilitate the mythological figure and give it back body. She proposes a choreographic study of the cut where the body becomes an echo chamber for sound images, and the hands become graphic and symbolic tools for reshaping a body, a face, a self-image. What recollection is possible through the powers and tactics of sound and invisibility, ambient and audible, in the face of the control exercised by visibility?

In this new choreographic solo, based on echo, cut and grace, we experiment with nature as a resistance to labor, in the words of the American philosopher Mc Kenzie Wark: “Nature is a resistance in labor”. Through the story of a birth, the nymph appears as syrupy as honey, tender enough to employ grace as a remedy for resentment.


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PARTENAIRES

Coproduction : KLAP Maison pour la danse / Marseille, Le Carreau du Temple / Établissement culturel et sportif de la Ville de Paris, Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne | EMKA dans le cadre de l’Accueil Studio - Ministère de la Culture, Ballet national de Marseille dans le cadre de l’accueil studio, Fonds SACD Musique de Scène

Partenaires : Centre national de la danse, accueil en résidence / Pantin, Ménagerie de Verre / Paris, DRAC Nouvelle Aquitaine au titre de l’aide au projet.


DIFFUSION

Avant-premiere : Festival FACT - Lyon, octobre 2024

Première : Le 11 mars 2025 au KLAP Maison pour la danse / Marseille.


CALENDRIER DE RÉALISATION

18-22 décembre 2023 : Ménagerie de verre / Paris 8-13 janvier 2024 : Ménagerie de verre / Paris 25-26 janvier 2024 : Canal, CND / Pantin
8-19 avril 2024 : Ménagerie de verre / Paris 16-27 septembre 2024 : CND / Pantin

7-11 octobre 2024 : CCN Créteil - Val de Marne / Créteil
20-26 janvier 2025 : Ballet national de Marseille 
3-14 février 2025 : CCN Créteil - Val de Marne / Créteil
4-10 mars 2025 : Résidence de finalisation au KLAP / Marseille 11 mars 2025 : Première à KLAP / Marseille
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PERSONAL EXPERIENCE MEETS SOCIAL RESONANCES

Cette pièce fait le pont entre des considérations théoriques sur la génération du visage par la technologie et l’expérience personnelle de la transformation de mon visage. Cette question posée aux mutations digitales du visage renvoie à un processus intime dont je fais l’expérience, à savoir celle de ma propre transition de genre, à la métamorphose de mon visage, d’une mutation où hormones, narrations et cellules concourent à une mue alchimique, la nymphe est aussi le stade intermédiaire de la métamorphose, entre la larve et l’imago, c’est un stade de la mue.
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This piece bridges theoretical considerations on the generation of the face by technology and the personal experience of the transformation of my face. This question posed to the digital mutations of the face refers to an intimate process that I am experiencing, namely that of my own gender transition, to the metamorphosis of my face, of a mutation where hormones, narratives and cells contribute to a alchemical moult, the nymph is also the intermediate stage of metamorphosis, between the larva and the imago, it is a stage of moult.

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RESEARCH 

Performer « Nymphe », c’est aussi « redonner » forme au visage, à sa mémoire, à sa grâce, à rebours de l’effacement auquel sont sujettes certaines expériences trans : je n’oublie pas que les corps trans sont encore qualifiés par certaines juridictions américaines comme « obscene matters ».

Mon choix d’écriture pour « Nymphe » n’explore pas le visage par une esthétique burlesque ou grotesque mais par une gestuelle du passage, de la fluidité qui sans cesse échappe aux formes fixes. Dans ma gestuelle, j’articule souvent l’inclinaison du visage avec le mouvement des doigts, des mains et des poignets, ce qui produit un highlight sur le visage, une gestuelle ornementale à la grâce digitale produite par les angles du visage et les affects qui le traversent. 

Avec « Nymphe », je souhaite redonner à nos expériences la possibilité de la grâce, aura associée à la sainteté chrétienne, une aura qui balaye le voile de la honte attaché à certains visages. L’âge baroque est l’un de nos terrains d’exploration, cette grâce je la veux digitale, marionnettique. Cette image d’un geste mettant en jeu mes mains en relation avec mon visage est ce qui me permet de rencontrer les spectateurs.rices, de jouer des effets de distance et de proximité, d’hyper-affects, de poses, d’abstractions, des rythmes scandés des danses.
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Performing «Nymph» also means «giving back» form to the face, its memory, its grace, in contrast to the erasure to which certain trans experiences are subject:
I’m not forgetting that trans bodies are still classified by some American jurisdictions as «obscene matters».

My choice of writing for «Nymph» does not explore the face through burlesque or grotesque aesthetics, but through a gesture of passage and fluidity that constantly eludes fixed forms. In my gestures, I often articulate the inclination of the face with the movement of the fingers, hands and wrists, which produces a highlight on the face, an ornamental gesture with a digital grace produced by the angles of the face and the affects that run through it.

With «Nymph», I want to give back to our experiences the possibility of grace, the aura associated with Christian sanctity, an aura that sweeps away the veil of shame attached to certain faces. The Baroque age is one of our areas of exploration, and I want this grace to be digital, machine-like. This image of a gesture involving my hands in relation to my face is what allows me to meet the spectators, to play with the effects of distance and proximity, hyper-affects, poses, abstractions and the chanted rhythms of dances.
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